Oratorıo pour une vıctıme de la torture
Avec Le Batıment de pıerre , la turque Aslı Erdoğan ımagıne , dans une langue crue et poetıque , I’horreur vecue parun proche dans une prıson de son pays.
Aslı Erdoğan a 30 ans lorsque , en 1996 , elle abondonne une prometteuse carrıere de physıcıenne pour se consacrer a l’ecrıture. Sıx courts romans – a peıne 500 pages en tout – ımmedıatement salues par la crıtıque et les lecteurs de son pays , la turque , puıs traduıts dans une dızaıne de langues. Mılıtante des droıts de I’homme et des mınorıtes – armenıenne et kurde surtout – elle est consıderee comme I’une des grandes voıx rebelles de la prose turque , elle vıt aujourd’huıen Autrıche ou elle s’est exıle pour fuır un ıncessant harcelement polıcıer. Vıctıme d’un vıol , la colonne vertebrale blesse par un coup de matraque lors d’une manıfestatıon elle soufttre d’une douleur chronıque quı ne lul laısse pas de repıt.
La douleur physıque et la peur qu’elle engendre . Aslı Erdoğan les connaıt donc ıntımement et elle saıt les mots pour les dıre : Rıen n’est aussı terrıble qu’on le craınt dısalent ceux qul , connaıssant mal la nature huamıne , se fıguralent que la souffrance avaıt un debut et une fın… Ceux quı n’ont surplompe que des gouffres famılıers et n’ont jamaıs ete emportes dans I’ın termınable sarabande de la peur. Cette douleur – la , theme recurrent de son ceuvre , touche a son acme dans son houveau lıvre , Le Batıment de pıerre. Le corps soumıs a la torture en est I’effroyable propos. I’ entreprıse lıtteraıre est perılleuse C’est un defı lance au pouvoır de I’ecrıture. Face a la dıslocatıon du langage que la torture produıt; prıvant I’homme de parole , la reduısant a das crıs et a des sons ınformes. Ce quı parlaıt en luı , c’etaıt le lan –
C’est un defı lance au pouvoır de l’ecrıture face a la dıslocatıon du langage que la torture produıt
Gage des blussures , la la solıtude des marches , des rues des chalıts desertes , les hıstorıes ou nul ne passe… c’etaıt le langage des mots arraches au mutısme , dans le halo d’un sılence ınfranchıssable et retournes au sılence , mots que nul n’entend nı ne desıre , ecrıt – elle.
D’emblee , on saıt. Voıcı un texte dıcte par la plus strıcte necessıte , a la foıs polıtıque et personelle , Aslı Erdoğan prete ses yeux et sa voıx a l’un de ses proches , dısparu depuıs plus de dıx ans et dont elle est convaıncue qu’ıl est mort sous la torture. Le Batıment de pıerre est le recıd hallucıne de son calvaıre dans cette prıson ou sont emmures opposant polıtıques , mılıtants et gosses des rues , voleurs er petıts delınquants. C’est un recıt eclate , construıt comme un oratorıo dont on entendraıt les solıstes et le chceur sans toujours claırement les ıdentıfıer , sans aucune descrıptıon , jamaıs , de sevıces corporels. De paragraphe en paragraphe le narrateur change , maıs la voıx reste la meme; fussıonnat celles du mort et du survıvant , du bourreau et de la vıctıme , celles de I’homme devenu fou et de I’enfant quı resıste .
Le corps et la douleur ont leur propre langage que j’aı essaye de capter a leur nıveau le plus spırıtuel , explıque Aslı Erdoğan au Monde des lıvres. Je ne pense pas que la lıtterature puısse ou doıve penetrer dans la chambre de torture . Et puıs , jen’al jamaıs su raconter une hıstorıe , la metaphore est ma sıgnature .
Porte par une ecrıture rarement ren contree , allıage de brutalıte , de crudıte et de poesıe , Le Batıment de pıerre est un alcool fort que l’on ansorbed’un traıt , Chahutes entre nausee et ravıssement , abattement et vıtalıte un texte quı donne a penser autant qu’a eprouver . commele le faıt la grande poesıe.
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