Plonger dans Rio, jusquà en mourir
On peut se perdre dans un amour passionnel et aimer à en mourir. Mais peut—on aimer à •. ce point une ville? La jeune écri— vaine turque Ash Erdogan le croit i if}let propose une plongée dans Rio de Janeiro, un trip amoureux et ..i .douloureux, comme une longue , nuit damour impossible.
Ash Erdogan est née en 1967 à Istambul et a passé deux années à Rio. Son livre est une autobiogra¬phie imaginaire de ces années—là. Ozgiir, son double, étudiante is¬tanbuliote, débarque à Rio pour ne plus jamais sen échapper. On ne connaîtra rien de ses années turques, de ses tropismes moyen—orientaux, si ce nest une mère qui lappelle pour demander pourquoi elle reste encore à Rio où plus rien, apparemment, ne la re¬tient. On pourrait ajouter quelle sy perd, elle se drogue à la co¬caïne, fait lamour à tous ceux qui passent, séclate toutes les nuits dans les bars. Mais Ozgiir est aussi écrivaine. Elle veut réaliser son livre sur Rio et elle doit se per¬dre pour que le livre existe, sabî¬mer, soffrir, à là ville; se déchirer siir ses récifs pour que son roman surgisse de son propre sang. Ce ro¬man dAsh Erdogan est aussi une réflexion sur lémergence dun li—vre et la nécessité décrire : Même si jai gaspillé deux longues années de ma vie, au moins jaurais écrit un livre. Peut—être quil ne servira à personne, ne sauvera personne. Rien que des faits que jai, choisis pour remplacer la réalité, des men¬songes pour soigner mes blessures. Deux trois frétillements lumineux dans un océan noir. Des frisàons se¬couants, magiques. Maintenant, je suis encore plus solitaire quavant.
Cette plongée douloureuse dans lécriture est celle de Malcolm Lowry ou dAntonin Artaud.
LE ROMAN DUNE VILLE •
Mais le livre dAsh Erdogan est surtout le roman poétique et san¬glant dune ville, Rio, et de ses ha¬bitants, les Cariocas. Lauteur Hait décrire les nuits trop chaudes, lë sexe omniprésent, les vendeurs de cocaïne, les bars louches de Lapa, le tram de Santa Teresa et ses dé¬trousseurs de touristes. Elle ra¬conte Oliveira, le peintre revenu dEurope, fou et muet, ou Debo— rah, la mulâtresse qui ensorcelle tous les hommes. Chaque se—maine, un feu dartifice illumine les favelas, mais cest pour annon¬cer larrivée de la drogue. Et à Rio,. les favelas se disent morro, comme je meurs. Ozgur écrit à sa mère: Cette ville me tue, tous les jours, à chaque instant, à cha¬que occasion, elle me tue par tous les moyens. Lentement, profondé¬ment. Elle me vole petit à petit tout ce que je possède. Je suis cernée. Je suis obligée décrire Rio
Apprends à taimer, lui dit—on, parce que personne ne va le faire pour toi. Cette ville est meurtrid.re pour une femme étrangère. Et en¬core: Lêtre humain ne se lasse ja¬mais dépuiser ce dont il na vrai¬ment pas besoin.
Cette longue descente aux en¬fers où elle croise leB prostituées, les mourants abandonnés, les vo¬leurs à la tire, où elle offre son corps désespérément, se termi¬nera par un coup de couteau clans une nuit étouffante parce quelle navait pas les dollars réclamés par une petite frappe. Sa mort était annoncée, elle sest offerte à la ville pour la tacher de rouge, une sorte de don mystique, une crucifixion sous des airs de samba.
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