Voyage au cœur des mots
La Foire du livre de Bruxelles (22—25 février) s’empare d’un thème cher à Jack Kerouac, Sur la route.
Les mots prêtent à l’évasion. L’évasion de soi, l’évasion vers un ailleurs, et parfois même l’évasion d’une prison ou d’un pays. La Foire du livre de Bruxelles (22—25 février) s’empare d’un thème cher à Jack Kerouac, Sur la route. Autour de la romancière turque Asli Erdogan, sa présidente d’honneur, et de nombreux écrivains de tous les horizons: de l’auteur de carnet de voyage au polar, de la BD à la littérature jeunesse, de l’Atlantique au Pacifique avec le Pavillon des Lettres d’Afrique—Caraïbes—Pacifique. Dans le rôle du grand invité polar, on cite l’auteur Caryl Férey, père du personnage de Mc Cash, qui participera vendredi à une discussion sur Les différentes couleurs du Noir. Dans la catégorie BD, la star de l’année est l’incontournable Enki Bilal, qui animera une conférence exceptionnelle samedi à 13h. Des rencontres avec les auteurs, des séances de dédicaces, des expositions, sont organisées tout au long de la foire.
Écrire en Turquie aujourd’hui
L’écrivaine et opposante turque Asli Erdogan honorera son titre en prenant part à plusieurs activités. Écrire en Turquie aujourd’hui est le thème de la première conversation qu’elle aura ce jeudi soir à Bozar. Elle y partagera le podium avec Burhan Sönmez, romancier turc d’origine kurde, dont le troisième roman, Maudit soit l’espoir, vient de paraître en français chez Gallimard. Les deux auteurs ont en commun de connaître la brûlure des mots quand ils s’attaquent à des sujets douloureux en Turquie, comme les questions kurde ou arménienne, la liberté d’expression, la critique politique. Tous deux connaissent les procès et l’exil. Arrêtée en août 2016 suite à la tentative de coup d’état manqué en Turquie, Asli Erdogan a passé quatre mois en prison avant d’être mise en liberté conditionnelle. Accusée de propagande terroriste pour son rôle de conseillère du quotidien kurde Özgür Gündem, elle risque la prison à vie. Elle n’a pu récupérer son passeport qu’en septembre 2017. Alors que son procès se poursuit en Turquie, l’auteure a abandonné l’idée de retourner dans son pays d’ici peu. Ce serait du suicide, confie celle qui a trouvé refuge en Europe.
Les affres de la politique, Burhan Sönmez ne les connaît que trop bien. La vieille génération d’auteurs turcs a l’habitude de dire ‘Si vous êtes écrivain en Turquie et que vous n’avez pas connu la prison, alors c’est que vous n’avez pas de chance’. Rien n’a changé depuis 80 ans, expliquait le romancier en début de semaine dans un café d’Istanbul. D’origine kurde, Burhan Sönmez a commencé sa carrière comme avocat des droits de l’Homme, dans les années 90, au pic du conflit civil en Turquie. Après avoir été torturé et laissé pour mort suite à une tentative d’assassinat contre lui, il passe dix ans comme réfugié politique en Grande—Bretagne. Il y est soigné dans un centre qui vient en aide aux victimes de la torture. Pétri de tradition orale dans son enfance passée dans un village kurde d’Anatolie centrale, passionné de lettres depuis toujours, auteur de poésie, Burhan Sömnez vit alors de petits boulots à Cambridge le jour, et écrit ses nouvelles la nuit. Il ne lâchera plus jamais la plume.
https://www.lecho.be/culture/litterature/Voyage—au—c—ur—des—mots/9985202
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