Haberler
Haber Kaynaðý Seç

 

LE MANDARIN MIRACULEUX

Une jeune femme erre dans les rues de Genève, la nuit. Il lui manque un œil. Elle est turque, mais surtout apatride. Après avoir fui nuit d’été. Il pleut à verse. Au fond dujardin apparaît une femme, les interdits et violences dont fut faite sa jeunesse, elle découvre la solitude de l’immigrée, de la femme orientale et mutilée, de l’amante éconduite. Son amant, Sergio, avec qui la ville était devenue un asile, l’a abandonnée. Elle n’a rien fait pour le retenir, par fierté, par peur aussi de s’abandonner, de donner et de perdre. Sans doute a—t—elle vécu là—bas une expérience qui lui a rendu l’amour dangereux. Aussi a—t—elle vainement cultivé l’insensibilité, à tel point que le bonheur menacerait sa tranquillité « la tendresse, dit—elle, brise parfois ceux qui en ont le plus besoin ». Mais, attachée à l’indépen—etKhadjivad, les principaux personnages du théâtre d’ombres traditionnel turc. Dialogue silencieux per—manent entre les diverses dance conquise durant ses jeunes années par le refus des règles imposées aux femmes de son pays, elle a cette lucidité : « Je suis inca—pable de dessiner la frontière qui sépare le désir de protéger de celui de régner ». Elle se méfie des hommes.
Et promène sa douleur et ses désillusions dans les rues mal famées de la propre Genève. Ce quar¬tier d’immigrés où la vie et la misère la renvoient à ses propres échecs. Le souvenir du Bosphore s’invite souvent dans ses escapades nocturnes. Elle n’est plus que nostalgie, un œil perdu comme une patrie, un œil ouvert sur l’obscurité. « L’amour a un dans ses certitudes. Au fur et à mesure que le jour baisse, la peur s’empare de la femme. Et les souvenirs resurgis—sent... La rencontre, d’un homme et d’une femme, d’un passé et d’un présent, cet œil de trop », dit—elle. Régu—lièrement, elle s’arrête dans les cafés pour écrire et s’in—vente un double en tout différent, inspiré d’une superbe et étrange femme croisée dans un restaurant. Mais même ce double fictif sera rattrapé par la réalité, toujours brutale. La jeune Turque a fait de sa peur un mode de vie, faisant peur à son tour, à ceux que la dif—férence menace, exhibant son œil bandé pour forti¬fier sa solitude.
Asli Erdogan, dans ce récit poétique, où la mélancolie joue le rôle du tragique, dépeint en impressionniste la détresse de l’immigré, étranger à lui—même où qu’il soit. «

1.1.2002
FRANSA
PAR MAZARINE PINGEOT


 

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