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  ”Le régime d’Erdogan a besoin d’ennemis / Levif, Quentin Noirfalisse / 15.3.2018
  Dans une chronique de votre livre Le silence même n’est plus à toi (Actes Sud, 2017), vous comparez la Turquie à un immeuble en flammes, des flammes ” bien réelles ” avec ses ” morts, et ce sang ”. Quand vous êtes—vous rendu compte de cet incendie?

Aslý Erdoðan : Même si on ne prend pas les poètes dans mon genre et les femmes de façon générale au sérieux en Turquie, ce que j’ai écrit ces vingt dernières années sur la situation politique s’est révélé être vrai. Le déclic, ou la gifle plutôt, a été l’assassinat en 2007 de Hrant Dink (NDLR : journaliste turc d’origine arménienne, fondateur de l’hebdomadaire Agos ) par un jeune ultranationaliste turc. Il n’y avait plus eu d’assassinat de journaliste depuis 1999, date avant laquelle on en comptait plusieurs par an. Dans la foulée, Recep Tayyip Erdogan a modifié la loi antiterroriste. J’y ai repéré un petit article qui disposait que quiconque défend la cause d’une organisation terroriste peut être criminalisé comme membre de cette organisation. Un exemple : si je défends le droit des Kurdes à parler et à être éduqués dans leur langue, comme le PKK défend la même idée, je peux donc être incriminée comme un de ses membres. J’ai évoqué cet article en 2008 au Parlement européen et un député m’a traitée de menteuse. Je n’ai pas pu me défendre. Car à l’époque, deux mois après l’adoption de la loi, une seule personne avait été emprisonnée en vertu de cet article. Elle a été relâchée huit ans plus tard. Entre—temps, huit mille personnes ont été arrêtés sur la base de la même prévention...

Comment jugez—vous la situation en Turquie aujourd’hui?

Aslý Erdoðan: En 2013, j’ai affirmé que la Turquie sombrait dans le fascisme, en utilisant toutefois des guillemets. Je n’étais d’ailleurs pas la première à avancer ce terme. Mais deux ans plus tard, tout le monde l’utilisait. L’analyse la plus optimiste décrit un régime totalement autoritaire. La situation est grave au point qu’elle me fait penser à l’Allemagne des années 1930. Les quatre premières années du régime Erdogan ont été marquées par une ouverture, la période la plus démocratique de la Turquie. Puis, à partir du meurtre de Hrant Dink, Recep Tayyip Erdogan a commencé à concentrer le pouvoir. Depuis trois ans, il est carrément omnipotent.

L’immeuble Turquie va—t—il exploser?

Aslý Erdoðan : Ce régime a besoin d’ennemis. La Turquie est entrée en guerre en Syrie, et il est probable que le feu s’étende au pays lui—même. Les groupes religieux armés ont des foyers dans certaines villes de Turquie mais n’y ont pas encore développé du terrorisme à grande échelle. Ils se contentent d’un terrorisme symbolique, un attentat, de temps en temps, dans une boîte de nuit. La Turquie, aujourd’hui, est gérée uniquement par décrets, environ 700 en un an et demi. De plus, Recep Tayyip Erdogan a exempté de poursuites judiciaires pour les violences qu’elles ont commises les personnes descendues dans les rues, le 15 juillet 2016 (NDLR : jour du coup d’Etat manqué) pour défendre le gouvernement. Ce qui signifie que tous ceux qui prendront la défense du pouvoir dans l’avenir échapperont à la justice en cas de violences. En outre, on évoque désormais l’existence d’une milice populaire, de camps d’entraînement... Personne n’ose en parler, hormis quelques journalistes courageux.

http://www.levif.be/actualite/international/le—regime—d—erdogan—a—besoin—d—ennemis/article—normal—812843.html

 

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